Christian Vanhenten
29 août 2011

Stress au travail – la face émergée de l’iceberg

«Jacques, mon pauvre Jacques, t’es pas doué tu sais, depuis le temps que je te le dis, tu devrais changer de métier… Je vais être derrière toi toute la journée parce que t’es lent, t’es trop lent, quand les autres font trois clients, toi tu en fais un, un tout petit… » Dans une pièce de théâtre évoquant des situations vécues par des employés de France Telecom, Jacques finit par démissionner, poussé à bout par son chef de service devant ses collègues. Le stress cause des dégats irréparables dans les entreprises et poussent les employés les plus touchés au suicide. Pendant l’année 2008, neuf suicides ont été recensés chez France Télécom. En janvier 2008, jour où les bourses mondiales s’effondraient, un employé de la BNP Paribas s’est pendu dans son bureau. Trois semaines avant, le corps d’un cadre de la banque avait été découvert dans les toilettes. En juin dernier, le directeur de la Fnac de Clermont-Ferrand se pend dans un bois laissant derrière lui un mail dénonçant la pression qu’il subissait dans son entreprise. Mais pour un suicide, combien de personnes vivent dans un stress qui perturbe leur santé, leur vie sociale et familiale ? C’est la face émergée de l’iceberg. Les études sur le stress ménagent trop souvent la chèvre et le chou dénonçant tantôt l’organisation du travail, tantôt les capacités d’adaptation et les fragilités individuelles. Les réponses au stress dans le monde du travail peuvent être regroupées en deux approche:

  • les approches ergonomiques qui abordent le stress sous l’angle collectif et s’intéresse aux conditions de travail
  • les approches individuelles ou “médicales” qui s’attachent aux aspects liés à la santé mentale

Pour revenir un instant sur les approches individuelles, deux modèles ont fait l’objet d’une attention particulière:

  1. Le modèle de KARASEK (ou modèle “demande-contrôle”): dans ce modèle, la demande faite à l’individu est atténuée par le contrôle que peut exercer celui-ci. Plus la demande est forte et le contrôle faible plus le stress augmente.
    demande faible demande forte
    contrôle faible activité passive activité très contraignante
    contrôle fort activité peu contraignante activité active

    si on ajoute à ces facteurs le soutien reçu par l’individu on amplifie l’impact en termes de stress si le soutien est faible

  2. Le modèle de SIEGRIST (ou modèle “effort-récompense”): dans ce modèle, la charge de l’effort que fourni l’individu va être atténuée par le sentiment qu’il aura que cet effort sera « payé en retour ». Cette récompense n’est pas nécessairement matérielle (rémunération), elle peut aussi être sociale (reconnaissance) ou symbolique (sens donné à l’effort).

Si aucun de ces modèles ne peut expliquer à lui seul l’ensemble de la problématique liée au stress d’autant qu’ils ne prennent pas en compte des facteurs comme la mauvaise gestion du changement, les relations inter-individuelles négatives, l’ambiguïté et les conflits de rôle.