Christian Vanhenten
1 mars 2011

Les chemins de l’être

Quelle énergie faut-il déployer pour être ?

Il n’est ici pas question de quantité mais bien de qualité. Être soi, deux mots qui masquent un océan d’inconnues, une forêt de questionnements. Pour y répondre, une multitude de chemins s’offrent à nous. Il y en a tellement que le choix devient un problème en soi.

Et si je passais à côté de l’approche qui me convient ? Les amateurs de livres sur le bien-être, les participants assidus aux séminaires et autres ateliers de développement personnel risquent la noyade ou l’épuisement dans une marche forcée sur des chemins de vie multiples dont ils espèrent qu’au moins un correspondra au sien.

J’ai personnellement goûté à ces errances, et parfois jusqu’à l’ivresse, états de bien-être momentanés glanés ici et là, tantôt lors d’un séminaire profondément touchant, tantôt au détour d’une page qui semble écrite pour moi. Etats émotionnels qui nous font vibrer jusqu’au plus profond de nous-même, éclairs de compréhension globale où toutes nos neurones semblent en résonance et nous donnent à vivre cette forme d’extase de se sentir connecté au plus vaste, sensation de bien-être corporel, le corps inondé d’endorphine ou plongé dans une détente insoupçonnée.

Autant d’expérience qui frôlent le sublime et dont on sait qu’elles ne peuvent durer.

Mais c’est lorsque l’on a fréquenté des chemins tellement différents et que l’on constate avec surprise qu’ils convergent que le délice est le plus intense, car de même que la vision de nos deux yeux engendre la vision en relief, la découverte d’une dimension nouvelle nous met en contact avec toute la profondeur de l’expérience humaine. C’est au croisement de quelques unes de ces routes que j’ai vu se dérouler le paysage de ce pays que j’ai appelé l’AïkiCom, une terre où les émotions sont ces rivières qui dévalent les pentes des montagnes pour se languir dans les plaines, où le corps retrouve l’esprit et vibre d’émotion, où les pensées se colorent des sentiments et s’ancrent dans le ressenti.

Après une enfance dont la seule évocation réveille des tristesses sans fond et des années de galères relationnelles je me suis éveillé dans un espace nouveau mais que pourtant je connaissais bien.

Au loin j’entendais les roulements de tambour me rappelant que la paix est fragile.

Tel le marin émergeant de la tempête sur une mer apaisée, je découvrais le sens plein de la notion de résilience : « Traverse, traverse ! L’éclaircie est devant toi, si tu continues d’avancer, si tu ne baisses pas les bras ». Tel le paysan contemplant son champ de blé mur, je constatais les grains dorés que j’avais semés alors que j’ignorais s’il y aurait une récolte.

Concilier la rigueur du combat sans se laisser aigrir, se préparer à la paix parce qu’on connait le goût amer de son absence et surtout partager cette bonne nouvelle en pensant aux autres, ceux-là que l’on a laissé en route parce qu’ils n’y ont pas cru, pas assez, ou parce qu’ils n’ont plus eu la force d’avancer. Partager avec ceux qui sont encore en cheminement, offrir en gardant à l’esprit que l’on n’est pas meilleur mais simplement que nos pas nous ont amenés sur un itinéraire favorable.

L’AïkiCom n’est rien de plus que cela : un itinéraire favorable pour se construire, une vie où harmonie n’est pas synonyme de laisser-faire ou de faiblesse, où le combat est mené pour provoquer la paix.

Cette harmonie nait en soi quand, au gré des exercices corporels tirés de l’aïkido, le corps se réconcilie d’avec l‘esprit en embrassant les émotions et que l’on découvre son centre dans le hara. Centrage dans la verticalité qui définit l’Homme depuis qu’il s’est redressé vers le ciel et a libéré ses mains pour aller à la rencontre de l’autre.

Et puis il y a la connexion, le lien, la reliance, avec l’autre d’abord, mais bien vite avec l’univers entier.

Devenir acteur de ces forces de cohésions qui font de la vie un miracle, une exception dans un cosmos soumis à d’incroyables forces de dislocation depuis le big-bang.

Et notre vie moderne semble soumise à la même tendance : zapping, rupture, égocentrisme, individualisme forcené pour une quête de vaine performance, victoire sur les autres plutôt que sur soi.

Le guerrier bienveillant de l’AïkiCom ravive l’idéal chevaleresque, celui d’un combat pour des valeurs. Il utilise sa force pour favoriser la paix, paix en lui qui crée un espace d’expression pour ses contradictions, et paix avec l’autre dans la reconnaissance de sa différence. Le travail corporel martial l’aide à identifier ses sources de tension, à reconnaître que l’ennemi présumé est plus proche de lui qu’il ne le croit.

Quête infinie à la recherche de soi.

Le guerrier bienveillant est avant tout un chevalier errant ouvert aux chemins qu’il emprunte.