Christian Vanhenten
5 juin 2012

S’entraîner sans traîner

entrainement aikidoLes amateurs de solutions toutes faites resteront sur leur faim. Il n’y a pas de raccourci sur le chemin de notre évolution personnelle. Chaque pas doit être fait et il n’y a même pas de possibilité de déléguer! Dans le monde des arts martiaux, les experts de haut niveau, les ceintures noires n’ont pas atteint ce niveau par hasard ou par miracle. Leur secret réside dans un seul mot: entraînement. La clé de notre développement personnel, de notre cheminement sur la voie que nous nous sommes tracée c’est la pratique, une pratique au quotidien. Ce n’est pas une question d’années, c’est une question d’heures passées à expérimenter, à répéter, à rater, à en tirer les leçons puis à recommencer. La tentation est forte de se réjouir des premiers succès et d’en rester là, à se reposer sur nos lauriers. Ce que je vis est le résultat de mon entraînement et si j’en reste là, je n’irai pas plus loin.

Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, Polissez-le sans cesse, et le repolissez, Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.  (Boileau, De l’Art poétique, Chant I)

Nous pouvons devenir bon à tout si nous nous investissons suffisamment dans l’entraînement. Mais bien souvent nous sommes attirés par les résultats spectaculaires des experts ou des artistes qui affichent une telle facilité qu’on en oublie les heures qu’ils ont passées à polir leur art, leur aisance technique. Nous voudrions en être déjà là et il nous est difficile d’accepter nos performances balbutiantes. Pourtant c’est là que ça se passe. Le pianiste en herbe qui voit son doigt rater la bonne touche pour la dixième fois, la touche de couleur qui refuse toute élégance sur la toile du jeune peintre ou le mauvais pied qui s’obstine à avancer à contre-temps dans l’exécution de la technique d’aïkido, ces moments font naître le doute et stimule le découragement.

Ce n’est pas pour moi, je suis trop jeune, trop vieux, trop grand, trop petit, pas assez souple, insuffisant créatif.

Lorsque le geste flanche, lorsque la main manque d’assurance c’est dans mon être que je suis interpellé, tant je suis ce que je fais ou plutôt tant ce que je fais m’amène à qui je suis. Il n’est pas question de basculer dans le faire pour faire, dans l’addiction à la tâche, dans la travaillomanie. L’entraînement est bien plus subtil. C’est le pas qui me fait avancer, l’inspiration qui m’emplit d’air et me connecte au monde. Dans le domaine de la communication, chaque rencontre avec une personne qui nous parait difficile, chaque conflit, chaque doute, chaque émotion est une opportunité de s’entraîner, de pratiquer et de gagner en expertise. C’est par la pratique que nous nous révélons à nos faiblesses et que nous les dépassons, sans chercher la performance, simplement aller un peu plus loin. Si le dojo est l’espace par excellence pour l’entraînement dans les arts martiaux il ne s’agit pas de se limiter aux quatre murs du local. La vie est le dojo. chaque instant ouvre à l’apprentissage, par essai et erreur. La répétition apporte le rythme. Refaire le même geste mais dans la conscience sinon ce n’est qu’une forme lassante de bégaiement comportemental. Et lorsque vient le moment où il nous faut agir dans la crise, dans l’urgence, lorsque le moment est crucial et menace de faire basculer notre vie, nous savons que nous ne serons probablement pas au top de notre performance. Sauf moment de grâce, hasard ou inconscience, nous serons dans ces moments importants ramené au niveau où notre entraînement nous a porté.